Couvre-feu

Tout à l’heure je me promenais dans mon quartier, en pensant à faire vite pour rentrer avant le couvre-feu. J’ai réalisé que je n’étais pas vraiment sûr de savoir si il était encore appliqué. Je sais plus si il y a eu des annonces récemment, je n’ai pas vraiment suivi, je sature pas mal.

Je suis donc dans la rue, et je me demande si je suis en train de marcher vite pour respecter un couvre-feu imaginaire.

L’habitude de se presser à 17h30 est bien ancrée, mais je ne me suis jamais fait au mot “couvre-feu”. C’est un terme pour une période de guerre, ou pour une dictature militaire. La dernière fois que j’ai regardé, personne n’essayait de conquérir mon pays. Je déteste ce mot.

Au moins pour aller me promener aujourd’hui, je n’ai pas eu à remplir d’attestation. J’ai toujours trouvé ça ridicule. Être obligé de signer un papier pour avoir le droit de sortir de chez soi, ça me fait mal à chaque fois, et ça doit faire un mois que ce n’est plus obligatoire. Il y a de bonnes chances que ça revienne vite. Pour ceux qui travaillent après le couvre-feu, ça ne s’est jamais arrété.

Et quand ça reviendra, on obéira tous à la règle. On s’écrira nous-même des bons de sortie. On est comme ça en France, on est disciplinés. Je sais que je le ferai, j’obéirai comme tout le monde. Comme d’habitude.

On a été admirables en 2020. On l’est encore. Janvier 2021 a été dur pour tout le monde, les foirages sur le vaccin, les variants du virus… Beaucoup ont craqué, y compris parmi ceux/celles qui tenaient depuis le début. Les plus fort·e·s d’entre nous sont à genoux. Mais tout le monde va continuer à faire ce qu’il faut. On va même continuer d’obéir à des règles stupides, on fera avec ce qu’on a.

Un jour ce sera terminé. Le printemps arrive, et même si le virus reste pour l’été, cette période va forcément se terminer.

Je suis enfermé seul depuis plus d’un an. J’ai eu la bonne idée de prendre de l’avance. Je sais que ça va être difficile de sortir, pour moi, pour tout le monde. Quand on aura survécu, il va falloir du temps et du travail pour se réhabituer à être libres. Ça ne va pas redevenir comme avant tout de suite, il faudra se débarasser des couvre-feux imaginaires, arrêter de juger les gens qui font la fête, redécouvrir la proximité.

J’ai besoin de croire qu’on va s’en remettre. Je sais qu’on a la capacité de résilience et le sens du collectif nécessaire, j’espère juste qu’on aura le temps de se reconstruire avant la prochaine catastrophe.

Quand on aura survécu, il faudra se rappeler comment tout ça a été géré. S’habituer, ça aide à mieux passer les moments difficiles, mais il ne faudrait pas oublier. Avant le Covid, c’était déjà normal en France d’avoir peur d’aller manifester, d’avoir peur de la police. Ça ne vient pas de nulle part, les termes militaires et les attestations. Ça n’est pas une surprise. Se remettre de tout ça, ce sera aussi retrouver nos exigences et le courage de se battre.

En attendant, on va survivre. Reparlons-en l’été prochain sur une plage.

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